Vol AF447 : le rapport du BEA met en cause les pilotes
30 juillet 2011 · 0 Commentaire

Le directeur du Bureau d’Enquêtes et d’Analyses (BEA), Jean-Paul Troadec, a présenté le rapport sur les circonstances exactes de l’accident du vol AF447 le 29 juillet au Bourget. Les conclusions sont accablantes pour les pilotes d’Air France qui ont continué à cabrer l’avion malgré l’alarme de décrochage.
La publication du rapport du BEA semble confirmer les révélations antérieures du Wall Street Journal en mai dernier. Le crash du vol AF447 ayant fait 228 victimes est principalement dû à une faute de pilotage. Il y a bien eu un givrage des sondes Pitot et une perte des informations anémométriques (de vitesse) dans le cockpit mais ce sont avant tout les erreurs successives de l’un des pilotes qui ont entraîné la chute de l’appareil vers l’océan.
Shéma à l’appui, l’article du Figaro explique le déroulement de l’accident :
La nuit du 31 mai au 1er juin 2009, le commandant de bord quitte le cockpit à 2h01 pour aller se reposer et est remplacé par un copilote qui prend sa place à gauche. Lorsque les sondes Pitot givrent et que le pilote automatique se déconnecte à 2h10, la configuration de l’équipage est la suivante. Le commandant de bord est hors du cockpit, ce qui est autorisé au cours d’un vol «renforcé» (avec trois pilotes). Le copilote le moins expérimenté, qui est assis à droite, est «pilote en fonction»: il récupère les commandes de l’appareil. Le second copilote (officier pilote de renfort) assis à gauche est «pilote non en fonction»: sa mission est de gérer les pannes et d’apporter de l’information à son collègue.
Juste après la déconnexion du pilote automatique, le pilote de droite donne un premier ordre à cabrer qui fait monter l’appareil jusqu’à 37.500 pieds. À cette altitude, le risque de décrochage, c’est-à-dire la perte de portance de l’avion et donc sa chute, est très important. Le pilote n’aurait jamais dû faire monter l’appareil à cette altitude. Il semble pourtant qu’à cet instant précis, «l’événement Pitot» soit terminé. L’appareil retrouve des vitesses cohérentes et il suffit alors au pilote de maintenir manuellement la trajectoire et l’altitude de l’appareil pour éviter l’accident qui va suivre. La perte des informations anémométriques n’a été que temporaire.
Le copilote assis à gauche perd alors de précieuses secondes à appeler le commandant de bord qui se repose hors du poste. Il actionne une alarme située au-dessus de sa tête et perd de vue l’affichage des pannes. Il ne voit pas que son collègue maintient un ordre à cabrer, c’est-à-dire continue à tirer le manche, le contraire de ce qu’il faut faire. Cette action fait sortir l’avion de son domaine de vol: il décroche et tombe vers l’océan.
« Cette manœuvre est totalement incompréhensible, explique un pilote d’Air France. Mon collègue a dû paniquer. » Durant la chute de l’appareil, le copilote maintient son ordre à cabrer malgré quelques essais dans l’autre sens, ce qui aggrave la situation et empêche l’avion de retrouver de la portance. La procédure en vigueur à cette époque chez Air France dit de mettre les gaz à fond et de réduire l’incidence, c’est-à-dire de pousser le manche. Le copilote a mis les gaz à fond mais exécute le contraire de ce qu’il faut faire avec le manche malgré le retentissement d’une alarme «Stall» de décrochage pendant près d’une minute.
Lorsque le commandant de bord entre dans le cockpit, aucun des deux pilotes ne lui parle de décrochage. Ils lui parlent de problèmes techniques et lui disent qu’ils ne comprennent pas. Le commandant de bord est donc incapable d’analyser la situation et d’aider ses deux collègues. Quelques secondes avant l’impact, le pilote de gauche reprend les commandes. Mais il est trop tard, il ne peut rien plus rien faire.
« Ce scénario pose la question du niveau de l’équipage, explique un expert. Soit c’était un mauvais équipage et il faut comprendre comment cela a pu être possible chez Air France, soit son niveau était standard par rapport aux autres équipages de la compagnie et alors c’est la formation et le recrutement qui vont être remis en question. » Chez les pilotes, on rappelle que certaines formations, notamment celle de pilotage en condition givrante à haute altitude, sont arrivées après l’AF447 malgré douze incidents de sondes Pitot rapportés en interne.
Un accident d’avion est toujours vécu comme un drame par une compagnie aérienne, tant sur le plan humain que commercial. Le crash du vol AF447 est d’autant plus consternant qu’il pointe des erreurs de pilotage de l’équipage d’Air France, dans des conditions de vol qui, sans être idéales, n’étaient pas insurmontables.
Ce rapport d’enquête entraînera sans doute une remise en cause profonde de la formation et de l’entraînement des pilotes, mais aussi du management dans le cockpit (répartition des tâches) et dans la composition des équipages chez Air France. Le BEA recommande même de filmer le tableau de bord durant le vol en complément d’information des boîtes noires et d’installer un indicateur d’incidence dans le cockpit. La compagnie Air France, elle, dispense déjà des séances de simulation depuis 2009 reproduisant les défaillances de sondes Pitot observées avant le crash du vol Rio-Paris.
Lire le rapport du BEA sur le crash du vol AF447.
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par info-aviation

