Thales vend-il des technologies US à la Chine ?

Les États-Unis soupçonnent Thales Alenia d’utiliser et d’exporter des technologies satellitaires américaines profitant à l’aérospatiale chinoise.

Dans une lettre du 24 janvier, le Département d’État américain a averti la société Thales Alenia Space (plus connue sous l’abréviation TAS), que les licences d’exportation accordées par les fournisseurs américains pourraient être refusées, en l’absence d’une plus grande coopération dans une enquête sur les composants et technologies utilisées dans ses satellites depuis deux ans.

La lettre des États-Unis exhorte TAS à reconsidérer sa position et à fournir davantage de données sur la composition des satellites vendus à la Chine.

En réponse, Thales Alenia Space a insisté sur le fait que les satellites vendus à la Chine « ne contiennent aucune pièce ou accessoire d’origine américaine », qu’ils « ont été exportés en toute légalité » et qu’ils sont du type « ITAR-free » (abréviation de International Traffic in Arms Regulation), un groupement international qui rassemble plusieurs ministères d’affaires étrangères contrôlant et régissant le commerce des armes.

Une fusée chinoise "Longue Marche" au décollage le 29/09/2011.

Cependant, les Américains ne l’entendent pas de cette oreille et suspectent toujours Thales Alenia Space d’utiliser des technologies américaines dans les satellites de télécommunications qu’elle exporte et qui sont parfois lancés par la Chine elle-même. L’armée chinoise pourrait en effet récupérer ces technologies pour ses recherches aérospatiales, ce qui constituerait une menace pour les États-Unis.

Le site WikiLeaks a jeté de l’huile sur le feu en dévoilant que Thales refusait de fournir les détails au sujet de la vente à des sociétés chinoises et hongkongaises de trois satellites de télécommunication : Yatai-6, Zhongxing-6B et Zhongxing-9 (photo). La raison invoquée était « une contrainte de la loi française et une prise en considération du secret commercial ».

En décembre 2011, la Chine a annoncé qu’elle lancera un satellite de télécommunications pour le Turkménistan avec une fusée Longue Marche-3B en 2014.

« Le satellite Spacebus 4000C2 sera le premier satellite de télécommunications du Turmenistan et ne possèdera aucun boulon venant des États-Unis » a précisé TAS, qui a déjà vendu huit exemplaires de ce satellite « sans restriction de licence » pour des clients internationaux, dont cinq d’entre eux ont déjà été lancé par la Chine avec les trois autres à suivre.

Thales Alenia Space est détenue à 67% par le français Thales, et à 33% par l’italien Finmeccanica. Un refus de licence d’exportation américaine pourrait lui coûter cher, soit 2 milliards d’euros (2,65 milliards de dollars) dans les ventes mondiales civils et militaires que l’entreprise réalise (chiffres de 2010).

À défaut de répondre favorablement à l’ultimatum américain et à fournir ces informations dans les 30 jours, cela « conduirait à l’examen des refus d’autorisation de licences », précise le mémo.

Les refus de licences d’exportation sont aussi un moyen de donner un coup de pouce aux fabricants américains tels que Lockheed Martin, Boeing, Orbital Sciences et Space Systems/Loral (une filiale de Loral Space & Communications), qui ont perdu jusqu’à la moitié de leur part de marché au cours des dernières années.

La part américaine des exportations mondiales de satellite a en effet chuté d’environ 75% depuis 1995 et entre 35 et 50% au cours des sept dernières années, selon Patricia Cooper, présidente de la Satellite Industry Association, un groupe de commerce aux États-Unis.

Dans toute cette histoire, comment réagit la Chine ? Ni Feng, spécialiste des problèmes américains à l’Académie des Sciences sociales de Chine, a déclaré le 21 décembre 2011, lors d’une interview accordée à un correspondant de Global Times, que certaines forces de la droite américaine ont toujours l’œil directement et solidement fixé sur le problème des exportations de technologies sensibles vers la Chine.

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